Une Note de Conjoncture critiquée par le gouvernement

Vous trouverez ci-dessous la position de la section Sud DG sur la polémique suscitée après la sortie de la note de Conjoncture le 20 décembre.

Notre institut a fait l’objet d’une attaque brutale du gouvernement lors de la sortie de la Note de conjoncture de décembre. Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, a jeté le discrédit sur l’Insee en affirmant : « nous contestons formellement l’étude de l’Insee ». En cause, la phrase suivante « Au total sur l’année 2018, la combinaison de ces hausses et de ces baisses augmenterait les prélèvements obligatoires sur les ménages d’environ 4,5 milliards d’euros, ce qui ôterait –0,3 point à l’évolution du pouvoir d’achat ». Le gouvernement n’a visiblement pas supporté que l’Insee invalide totalement ce qu’il répète depuis des mois, à savoir que ses mesures sur les prélèvements obligatoires augmenteront le pouvoir d’achat. Il a exigé un rectificatif de l’Insee.

L’Insee en cause ?

L’écart avec les estimations du gouvernement (qui prétend que ses mesures permettront une augmentation de 5 milliards du pouvoir d’achat) repose principalement sur deux points : l’Insee prend en compte à juste titre le décalage temporel entre les hausses de prélèvements obligatoires (qui s’appliquent dès le 1er janvier) et les baisses qui, pour certaines, débutent plus tard dans l’année. D’autre part, le gouvernement anticipe arbitrairement des baisses importantes de la consommation de tabac et d’essence pour minimiser l’impact des hausses de taxe. L’Insee, en revanche, conformément aux règles de la comptabilité nationale, raisonne à structure constante de consommation. Par ailleurs, la note précise bien le champ de l’évaluation à savoir l’évolution des prélèvements obligatoires et leur impact sur le revenu disponible brut des ménages.

Défendre l’expertise de l’Insee ou s’excuser pour de prétendus « mots ambigus » ?

Au lieu de réagir fermement à ces attaques outrancières, la direction de l’Insee a réagi par un communiqué qui ménage le gouvernement. Elle confesse un passage qui pouvait « prêter à ambiguïté » et affirme qu’il est « probable » que les recettes fiscales seront au final proches des estimations du gouvernement. Dans ses vœux, le directeur général parle à nouveau de « mots ambigus » dans la note de conjoncture. Cela a permis ensuite au gouvernement de triompher et de fanfaronner : « ce chiffre de l’Insee sur les 4,5 Md€ de hausse des prélèvements obligatoires a été rectifié hier par un communiqué de l’Institut » et que le chiffre de l’Insee ne prenait pas en compte « les mesures de suppressions ou de baisses de cotisations sociales pour les salariés du privé ou indépendants ». Ce sont des mensonges, des « fakes news » que le directeur général prétend vouloir combattre mais contre lesquelles il n’ose rien dire : il préfère incriminer les agents de l’Insee qui auraient pêché par ambiguïté. Mais il n’y a strictement aucune ambiguïté dans la Note de conjoncture. Plus inquiétant encore, le directeur général a indiqué, lors d’une réunion avec les syndicats, qu’il verrait
d’un bon œil un renforcement des moyens des cabinets ministériels pour relire les publications de l’Insee
et identifier les formules trop abruptes ! Pour nous, aucune note de l’Insee ne devrait être relue et corrigée par le ministère avant sa publication !

Faire des études pour comprendre la situation économique ou juste pour appuyer les dires du gouvernement ?

Le comportement du gouvernement est de plus en plus inquiétant. Il y a quelques semaines, il avait qualifié un rapport de France Stratégie (dont l’un des auteurs est Fabrice Lenglart, ancien directeur de la DSDS) de « farfelu » et annoncé sa mise sous tutelle prochaine. C’est chose faite désormais, puisque E. Macron a viré le commissaire général de France Stratégie (nommé il y a moins d’un an) pour le remplacer par un fidèle (Gilles de Margerie), qui a aussitôt annoncé que le rôle de France Stratégie sera désormais de préparer et évaluer les réformes du gouvernement. Finies les études « farfelues » !

Aujourd’hui, le gouvernement discrédite l’Insee et multiplie les « fake news » contre lesquelles il prétend vouloir légiférer pour mieux museler les oppositions. Il y a de quoi s’inquiéter aussi de la réaction du DG de l’Insee qui devrait réagir fermement à ces attaques sans précédent contre notre institut.

Si l’Insee veut pouvoir « donner les clés de compréhension des chiffres qui garantissent un débat public bien éclairé », l’Insee doit pouvoir publier ses études en toute indépendance et sans craindre d’être diffamée si les résultats contredisent les dires du gouvernement. L’indépendance de l’Insee nécessite aussi que sa direction soit prête à la défendre lorsqu’il le faut et surtout de ne pas s’auto-censurer !

31 janvier 2018
Sud DG