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Les Voix de Sud – numéro 07

Sommaire

La rentrée sociale sera t-elle marquée par une grande mobilisation de notre camp social ?

Le gouvernement prépare une attaque contre les chômeurs et chômeuses dans le but de les contraindre à accepter n’importe quel travail, surtout quand ces derniers figurent sur la liste des secteurs d’activité en forte tension. C’est la dernière trouvaille du gouvernement et du MEDEF qui (main dans la main) ne veulent surtout rien changer aux conditions de travail déplorables, aux salaires de misère et d’une manière générale à la précarité dans tous ces secteurs demandeurs d’une main d’œuvre bon marché, malléable et corvéable à merci. Par ailleurs, le gouvernement a réaffirmé sa volonté de poursuivre une réforme injuste des retraites, en nous faisant travailler plus longtemps (et pour beaucoup finir au chômage avant de pouvoir partir à la retraite).

Alors qu’une inflation forte s’annonce durable, les mesures gouvernementales annoncées sur le pouvoir d’achat sont en dessous de la situation de paupérisation de la population. Les luttes sur les salaires s’amplifient comme l’illustre la grève des raffineries. Ce ne sont pas les indemnités, chèques, revalorisation de 3,5 % du point d’indice dans la fonction publique, de 2,9 % des indemnités chômage ou de 4 % pour les pensions et autres mesurettes cache-misères, qui compenseront l’absence de revalorisation réelle des salaires, du SMIC, des minima sociaux et bourses étudiantes !

Vivre dignement, et bien vivre n’est pas une option. C’est un choix de société qui découle d’une transformation sociale radicale. C’est pourquoi nous appelons à la journée de mobilisation du dimanche 16 octobre : la marche contre la vie chère et l’inaction climatique, en espérant qu’elle aide à construire un grand mouvement de grève interprofessionnelle qui nous permette de gagner sur nos revendications.

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Macron détruit notre pouvoir d’achat pour servir les capitalistes

    Les chiffres de l’Insee sont clairs et contredisent la propagande gouvernementale : le pouvoir d’achat de la population chute lourdement. En 2022, il a reculé de 1,8 % au 1er trimestre et de 1,2 % au 2e trimestre. La dernière note de conjoncture prévoit désormais une baisse du pouvoir d’achat pour l’ensemble de l’année 2022 (malgré un rebond au 2e semestre). L’inflation augmente beaucoup plus vite que les salaires (entre juin 2021 et juin 2022, le salaire mensuel de base a augmenté de 3 % contre plus de 6 % pour les prix) et les prestations sociales.

    La responsabilité du président Macron est totale : le point d’indice de la fonction publique et les prestations sociales n’ont pas été augmentés à la hauteur de l’inflation. Après avoir été gelé depuis des années, le point d’indice a été revalorisé de 3,5 % en juillet alors que l’indice des prix à la consommation harmonisée progressait (sur un an) de 6,8 %. Autrement dit, la perte du pouvoir d’achat du point d’indice va continuer, et même s’amplifier, ces prochains mois dans un contexte d’inflation durable. Depuis 1990, le pouvoir d’achat du point d’indice a chuté de 23 % !

    Bien sûr, si on prend en compte les changements d’échelons, de grades et de corps, notre salaire réel n’a pas chuté de plus de 20 % depuis 30 ans. Il n’en demeure pas moins que le salaire net moyen dans la fonction publique d’État de 2020 est inférieur à ce qu’il était en 2011 (cf. graph ci-dessous).

    Pendant ce temps-là, les profiteurs de crise se gavent : les taux de marge dans les secteurs des transports maritimes, du raffinage, ou de l’énergie s’envolent. Les dividendes pleuvent sur les plus riches, mais rien ne ruisselle en bas. Pour Macron, pas question de taxer les super profits (il renvoie la balle au niveau européen…) ou de remettre en cause la flat tax sur les revenus du capital !

    À la rentrée, un vaste front politique et social (incluant Solidaires, la CGT, la FSU… mais aussi les composantes de la NUPES, le NPA…) s’est constitué pour affronter Macron et imposer des mesures d’urgence écologiques et sociales. Nous ne pouvons pas laisser les macronistes nous maltraiter pendant encore 5 ans surtout que la catastrophe écologique et sociale avance à grands pas. Ce front politique et social a appelé à une journée d’action le 29 septembre.

    Une grande marche contre la vie chère aura lieu dimanche prochain (16 octobre), à l’appel d’organisations politiques, d’associations et de nombreux syndicalistes.

Notre section y appelle : l’unité la plus large est nécessaire pour imposer la satisfaction de nos revendications, à commencer par une hausse immédiate de 10 % du point d’indice !

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La réforme de l’assurance-chômage dissuade l’emploi saisonnier

     Cet été, la pénurie de personnel saisonnier a été importante. Vous avez pu voir de nombreux reportages et articles montrant des patrons se plaignant de ne pas trouver de saisonniers. Mais sans jamais expliquer la raison de cette pénurie et en arborant quasi-systématiquement le point de vue de l’employeur et très peu celui des anciens saisonniers. Pourquoi ceux-ci ne veulent-ils plus travailler dans ces conditions ?

    Début décembre 2021, le Président Macron défendait la réforme en citant l’exemple du personnel saisonnier, pris dans un système « hypocrite ». Il déclarait : « Nous nous sommes habitués à un système qui n’était plus juste, où il suffisait d’aller travailler quatre mois dans les stations de sports d’hiver pour avoir le chômage tout le reste de l’année ».

    Une affirmation du président erronée puisque sous l’ancienne convention d’assurance-chômage, travailler quatre mois n’a jamais permis d’ouvrir huit mois de droits de chômage (un jour travaillé équivalait à un jour indemnisé, donc travailler quatre mois ne donnait droits qu’à quatre mois de chômage seulement). Une affirmation également méprisante laissant sous entendre que les travailleurs saisonniers se reposaient les deux tiers de l’année. La réalité est que la majorité des saisonniers reprenaient un nouveau travail avant la fin de leurs droits au chômage.

    Le président délégué du Medef s’enthousiasmait également de cette réforme qui allait mettre fin au chômage, à la précarité et au manque de main-d’œuvre : « Vivement la réforme de l’assurance-chômage ! » (tweet publié fin septembre 2021). Et pourtant, quelques mois plus tard, la pénurie de personnel a battu des records dans les secteurs touristiques.

    Cette réforme qui devait être la solution miracle fait finalement partie du problème. Les nouvelles règles ont en effet fait fuir le personnel saisonnier qui a beaucoup trop à perdre puisque la réforme s’attaque aux salariés alternant périodes de travail et d’inactivité. Chaque période non travaillée est maintenant prise en compte dans le calcul des allocations, alors qu’auparavant, les indemnités étaient définies uniquement à partir d’une moyenne des salaires perçus les jours travaillés.

    Le nouveau mode de calcul a donc pour conséquence de diminuer le montant de l’indemnité chômage. L’Unédic avait évalué (avant l’entrée en vigueur de la réforme) que plus d’un million de personnes verraient une baisse de 17 % de leurs allocations, et même jusqu’à 40 % pour plusieurs centaines de milliers de personnes.

    La réforme de l’assurance-chômage est donc complètement dissuasive, s’ajoutant à des conditions de travail difficiles. De nombreux travailleurs du monde saisonnier ont donc « tiré un trait » sur leur vie de saisonnier pour se tourner vers la recherche d’un travail sédentaire. Avec le Covid, des saisonniers ont notamment trouvé des emplois sédentaires et refusent maintenant la précarité des emplois saisonniers, précarité qui a augmenté avec la réforme de l’assurance-chômage.

    Et si pour lutter contre le chômage on diminuait le temps de travail ? À Solidaires nous proposons la semaine de 32 heures et la retraite à taux plein à 60 ans avec 37,5 annuités.
    Et pour lutter contre les postes vacants, si on proposait des bonnes conditions de travail, des CDI plutôt que de la précarité, un salaire qui permette de vivre… ?

    À Solidaires nous sommes pour le smic à 1 700 euros net.

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Une médecine du travail, pourquoi ?

    Depuis quelques années à la DG, le travail de la médecine de prévention a été perturbé par le manque de médecins de prévention (des intérims se sont succédé) et par le covid, ne permettant pas un bon suivi de l’ensemble des agents. Nous espérons que la nouvelle équipe médicale − constituée de Michelle Gastineau, infirmière de prévention, et d’Adèle Vernet, médecin du travail − restera durablement avec nous.

Rappelons les différentes tâches de l’équipe médicale.

Les visites quinquennales

    Jusqu’en 2020, tous les agents de la fonction publique pouvaient profiter d’une visite annuelle auprès de la médecine du travail. Cette visite est désormais quinquennale. Enfin… c’est ce qui est écrit dans la loi. Dans les faits le manque de médecins de travail ne permet pas toujours de dispenser cette visite. À la DG, depuis au moins 2017 le retard dans la réalisation des visites quinquennales s’accumule. Certains collègues de la fonction publique sont même partis en retraite sans avoir jamais vu un·e médecin du travail…

    Ces visites permettent notamment d’alerter sur d’éventuels risques liés à nos boulots (troubles musculo-squelettiques et autres difficultés provoquées par la position assise prolongée, problèmes de vue dus à l’utilisation prolongée d’écrans, stress, burn out…) afin de les éviter.

    Même si la nouvelle équipe médicale va reprendre ses visites, le retard accumulé ne pourra pas être rattrapé, l’objectif étant de recevoir un cinquième des agents cette année.

Les surveillances médicales particulières

    La médecin ou l’infirmière rencontrent aussi les agents dont la situation peut nécessiter un aménagement (ponctuel ou durable) de poste :

  • lors de la grossesse, de retour d’accouchement ou si l’agent allaite ;
  • en retour d’un congé de longue durée ou de longue maladie ;
  • pour des situations de handicap ;
  • ….

Les surveillances médicales spéciales pour les postes à risques

    Une liste de postes à risques est établie par l’équipe médicale en lien avec l’équipe de prévention (conseillère et assistante de prévention) et le CHSCT. Une attention particulière doit être apportée aux agents occupant ces postes, avec des visites médicales plus fréquentes. Actuellement une cinquantaine d’agents sont concernés à l’Insee. Cette liste devrait être revue prochainement.

Les aménagements de poste et préconisations de la médecin

    Les aménagements de poste peuvent être matériels : écran mieux adapté, lumière plus forte, machine à lire vocale pour malvoyant.e.s et aveugles, adaptation du bureau pour une meilleure circulation du fauteuil roulant… Des aménagements de rythme de travail peuvent aussi être proposés comme des aménagements d’horaires, des temps partiels thérapeutiques, du télétravail médical…

    Nous restons vigilants quant au rôle du télétravail pour raison médicale qui ne doit pas remplacer les arrêts maladie. Le télétravail sur 5 jours est désormais possible notamment pour les agents enceintes. Si cela peut dans un premier temps permettre à l’agent d’éviter la fatigue des transports en commun, cela ne doit pas forcer l’agent à travailler plus longtemps que ce que son état physique permet.

    N’hésitez pas à nous contacter si votre hiérarchie vous pousse à choisir le télétravail plutôt qu’un réel arrêt maladie. La médecin madame Vernet semble y porter attention.

    La direction peut contester les préconisations du médecin du travail, mais elle doit justifier son refus et en informer le CHSCT (commission hygiène sécurité et conditions de travail). Le CHSCT examinera alors votre situation et peut contraindre la direction à respecter les préconisations.

N’hésitez pas à nous contacter si la direction refuse les aménagements de votre poste pour que nous puissions vérifier que le sujet est bien porté à la connaissance du CHSCT et que nous puissions vous défendre.

Ces visites sont obligatoires. Vous pouvez aussi prendre rendez-vous avec la médecine de prévention de votre propre initiative.

Toutes ces visites se déroulent sur le temps de travail. C’est un droit, défendons-le !

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La direction de l’Insee s’oppose à la création d’un « seuil de richesse »

L’Observatoire des inégalités à l’occasion de la publication de son « Rapport sur les riches en France » a interpellé la direction de l’Insee sur la création d’un « seuil de richesse ». Ce seuil de richesse serait le pendant du seuil de pauvreté. Quand en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 60 % du revenu médian) un ménage est considéré comme pauvre, un ménage au-dessus d’un « seuil de richesse » serait considéré comme riche. L’Observatoire fait une première proposition d’un seuil fixé « au double du niveau de vie médian après impôts et prestations sociales », un indicateur de richesse basé sur le revenu donc. Avec cette définition un ménage est riche à partir de 3 700 euros de revenu pour une personne seule et 5 500 euros pour un couple sans enfant, ce qui représente 7 % de la population française aujourd’hui.

On peut, il est vrai reprocher à l’Observatoire des inégalités l’aspect coup de com’ de la polémique, qui permet de faire le tour des plateaux autour de la question de « est-ce que je suis riche ? » et l’accusation un peu péremptoire à l’encontre de la direction de l’Insee de « ne pas s’y intéresser ». Mais en plus de permettre de mettre les inégalités au centre du débat, l’Observatoire ouvre des questions intéressantes, des questions auxquelles le DG de l’Insee (J.L. Tavernier) et la directrice de la DSDS (C. Colin) apportent des réponses (pas convaincantes globalement selon nous) dans un billet sur le blog de l’Insee.

Dans ce billet, le DG et la directrice de la DSDS délégitiment l’origine de la demande en indiquant que l’Observatoire des inégalités est une association et non pas un organisme public. Ils font savoir que le sujet du seuil de richesse ne leur est pas demandé par leurs utilisateurs nationaux, avant de ne lister que des utilisateurs institutionnels, oubliant tous les autres utilisateurs. Ce à quoi nous leur répondons, que nous aussi, en tant syndicat et utilisateurs des travaux de l’Insee, sommes intéressés par une meilleure mise en lumière des inégalités sociales en France notamment par le prisme des hauts revenus.

Ils font remarquer qu’au contraire du taux de pauvreté, il n’y a pas de politique publique liée au suivi du taux de richesse. Ils demandent alors naïvement quel genre de politique on pourrait construire à partir d’un taux de richesse ? Une politique publique de diminution du taux de richesse ? Ou d’augmentation ? Nous leur répondons que c’est bien des politiques de diminution des inégalités sociales et d’une meilleure répartition des richesses que nous voulons. Une société plus égalitaire est une société où les revenus sont resserrés vers la médiane. Nous souhaitons réduire la part de personnes qui décrochent du reste de la société, par le bas et par le haut ; il est donc tout à fait utile de mesurer l’évolution de la proportion de pauvres et de riches par rapport à des seuils à définir collectivement et démocratiquement.

D’ailleurs, la proposition de l’observatoire pour définir la richesse peut-être discutée. Il y a différents types de riches entre une personne qui gagne 3 700 euros par mois, un héritier et Bernard Arnault ? Le débat pour définir un seuil de richesse, voire plusieurs pour décrire la diversité des hauts niveaux de vie, nous paraît intéressant et constructif.

Ce seuil de richesse a bien sûr, comme le seuil de pauvreté et beaucoup d’indicateurs ses limites. Si ce seuil baisse cela ne signifie pas forcément que la richesse est mieux répartie (on pourrait imaginer une situation avec moins de « riches » mais des « riches » plus riches ; de même on peut imaginer une situation avec moins de « pauvres », mais des « pauvres » plus « pauvres »). Il faut donc continuer à produire des chiffres tels que le Gini (même si c’est moins accessible), voire définir un nouvel indicateur d’intensité de richesse.

Pour prendre en compte l’ensemble des richesses, il faudrait peut-être plutôt envisager un seuil de richesse basé sur l’ensemble du patrimoine et non sur le revenu seul.

Un tel seuil permettrait d’éclairer la question des inégalités par le haut quand on a l’habitude de ne la percevoir que par le bas. L’indicateur qui en découlerait, le taux de richesse pourrait être plus parlant que l’indice de Gini comme l’est le taux de pauvreté et donc être davantage discuté dans les médias.

La vision libérale de l’économie, partagée par Tavernier et Colin sur le blog de l’Insee et qui est celle de notre gouvernement, a tout intérêt de déconnecter la lutte contre la pauvreté de la lutte contre l’excès de richesse. Dans cette vision, être riche est un mérite et on souhaite que davantage de personnes méritantes rejoignent la catégorie des riches. Au contraire nous affirmons que les richesses doivent être plus justement réparties et que personne ne devrait pouvoir prendre plus que sa part. De plus, la mise en lumière de ce décrochement pourrait inspirer des propositions et donc des politiques publiques.

La statistique publique dans ses choix est un objet politique qui évolue. Le rejet de la direction d’un seuil de richesse est politique. Notre soutien à la mise en discussion d’un tel seuil est lui aussi politique. Il vise à mettre la statistique publique au service du combat pour une société plus juste

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