Le débat sur la réforme des retraites s’est animé cette semaine sur la question de l’indexation du point, enjeu crucial qui déterminera l’évolution du montant des pensions.
Vendredi dernier, le secrétaire d’État chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, a annoncé devant l’Assemblée Nationale que la valeur du point serait calculée sur la base de l’évolution d’un « nouvel indicateur » reflétant « l’évolution du revenu d’activité moyen par tête ».
Or cet indicateur n’existe pas. Ni à l’Insee ni dans le reste de la statistique publique.
Le secrétaire d’État affirme que l’Insee devra désormais produire cet indicateur, et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. La méthodologie de cet indicateur échappe ainsi aux statisticiens et économistes de la fonction publique. Le gouvernement ne semble pas connaître la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques qui affirme l’indépendance de l’Insee en matière de conception, de production et de diffusion statistique : « La conception, la production et la diffusion des statistiques publiques sont effectuées en toute indépendance professionnelle »
Mais l’Insee n’a pas à répondre aux « commandes » du gouvernement en matière statistique, lorsque cette commande porte sur un indicateur central dans un projet de loi contesté, un indicateur dont le champ n’est aujourd’hui pas clair, et que tout laisse présumer moins favorable aux futures pensions : en effet, à l’origine l’indicateur annoncé par le gouvernement était l’évolution des salaires. Il serait désormais plus large.
Or, on constate depuis des années que les revenus des fonctionnaires et des non-salariés progressent moins vite que les salaires du privé. En souhaitant intégrer ces revenus supplémentaires, un choix d’apparence technique va donc de pair avec la volonté affichée par le gouvernement de limiter les dépenses en matière de retraite.
En imposant aux parlementaires de voter sur un indice non déterminé, le gouvernement met en place une méthode inacceptable, et fait porter à l’Insee une responsabilité qu’il n’a pas à prendre : construire un indicateur dont le seul but est de baisser le niveau des retraites !
Que le gouvernement utilise des indicateurs existant dans ses textes législatifs est une chose, mais qu’il renvoie sur l’Institut pour donner un cachet de sérieux et d’impartialité à un indicateur opaque dont tout indique qu’il veut le diriger dans un sens négatif pour les futur·e·s retraité·e·s est inacceptable.
Nous, syndicats CGT, FO, SUD de l’Insee réaffirmons haut et fort le principe d’indépendance de la statistique publique.
Nous dénonçons cette volonté délibérée du gouvernement d’enfreindre ce principe.
CGT, FO SUD Insee
Le 13 février 2020