Élections législatives
et
retour sur la HMI avec Gérard Filoche

A quelques jours du second tour des élections législatives, le spectre d’une défaite de la macronie plane sur le scrutin.

L’inflation flambe (+5,8% pour l’IPCH sur un an : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6455413) et les salaires progressent beaucoup moins vite que les prix. Des grèves pour des hausses de salaires se multiplient même si cela intéresse très peu les grands médias : grève (victorieuse) des couturières de Vuitton (https://ancre-magazine.com/louis-vuitton-usine-couturiere-greve-hausse-salaire/), ou encore des grèves à Safran, Amazon, Marionnaud, Eurovia, Aéroport de Roissy…

Tout a été fait pour invisibiliser au maximum la campagne des élections législatives. C’est en effet l’intérêt de Macron : espérer un taux d’abstention maximum pour que les jeunes et les catégories populaires se détournent du scrutin (ce qu’il a obtenu au premier tour : 70 % des moins de 35 ans se sont abstenus contre 30 % des plus de 70 ans). Il a été aidé en cela par les grands médias. Il faut dire que Macron avait tout à craindre d’un véritable débat démocratique : le pouvoir d’achat plonge (-1,9 % au premier trimestre 2022 selon les chiffres de l’Insee : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6448919?sommaire=6439830) et LREM (et le RN) ne propose que des régressions sociales en cas de succès aux législatives.

En tant que section syndicale, nous nous positionnons en fonction des revendications que nous portons. LREM et le RN ne nous promettent que des mauvais coups. En revanche, la NUPES (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale) s’est engagée, notamment, à une hausse immédiate de 15 % du SMIC et de 10 % du point d’indice de la fonction publique. Le programme partagé de la NUPES comporte également la titularisation de tous les précaires de la fonction publique qui le demanderont, et des créations importantes de postes dans les services publics. Ce sont des mesures fortes, en rupture avec des années d’attaques contre les travailleurs en général, et les fonctionnaires en particulier. Comme dit dans notre précédent texte (https://www.sudinsee.org/sud-insee-dg-sur-les-elections-legislatives/), nous pensons qu’une défaite du bloc libéral et une victoire de la Nupes serait une bonne chose pour les agents de la fonction publique.

Notre syndicat est et restera totalement indépendant des partis politiques. Nous pensons que c’est par la mobilisation qu’on obtiendra de véritables acquis, et qu’une victoire électorale n’est la garantie de rien. Rappelons-nous que par le passé (par exemple en 1936), de grandes mobilisations ont pu arracher des conquis sociaux qui n’étaient pas dans les programmes électoraux. Nous pensons aussi que des pressions s’exerceraient immédiatement sur la NUPES en cas de victoire, pour lui faire renoncer à ses mesures les plus fortes en faveur des salariés. Il faudra alors se mobiliser, le plus fortement possible, pour imposer de grandes avancées sociales !


Retour sur notre rencontre avec Gerard Filoche le 19 mai

Nous n’étions malheureusement pas très nombreux à échanger avec Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail et surtout un militant infatigable de la cause des salariés. Le thème de la rencontre était « Front populaire : hier… et demain ? » car nous voulions évoquer avec lui ce qui s’était passé en 1936 pour mieux penser les enjeux des prochaines élections législatives.

Gérard Filoche était très enthousiaste par rapport aux perspectives ouvertes par une éventuelle victoire de la NUPES aux prochaines élections législatives, car il pensait que cela créerait un climat qui favoriserait le développement des luttes.

Gérard Filoche nous a invité à nous méfier des discours pessimistes s’appuyant sur la passivité et la résignation des gens. Au cours de son enfance, on lui avait répété qu’il n’y aurait plus de « juin 1936 », que la classe ouvrière s’embourgeoisait et était engluée dans la société de consommation. Et puis, il y a eu « mai 68 » alors que quelques mois avant un journaliste du Monde écrivait un article célèbre où il diagnostiquait que « la France s’ennuie ».

Gérard Filoche a insisté sur les « miracles » que pouvait engendrer l’unité de la gauche, l’unité du mouvement ouvrier. A partir de 1934, les directions de la SFIO (ancien nom du parti socialiste) et du PCF se sont rapprochés de façon spectaculaire après des années d’hostilité, sous la pression notamment de leurs militants. Et puis il y a eu l’unité en France, qui a permis la victoire électorale du Front populaire en 1936. Dans le même élan, la CGT (proche de la SFIO) et la CGTU (proche du PCF) se sont réunifiées en 1936, et des millions de travailleurs se sont syndiqués. Selon Gérard Filoche, l’unité profite aux secteurs les plus à gauche : en juin 1936, le parti radical de gauche a perdu des voix au profit de la SFIO, qui a perdu des voix au profit du PCF. Dans la foulée de la victoire électorale, des grèves massives et enthousiastes se sont déclenchées un peu partout, faisant trembler le patronat. Ce sont ces mobilisations qui ont permis d’obtenir les grandes avancées sociales de 1936 : congés payés, les 40h, les hausses importantes de salaires… autant de revendications qui n’étaient pas incluses dans le programme électoral du Front populaire. Mais le patronat a eu la trouille : les occupations d’usine remettaient en cause leur pouvoir sur les moyens de production, et le patronat a très vite cédé pour préserver l’essentiel pour lui (sa propriété des moyens de production). Ce qui semblait impossible hier (notamment les 40h) devenait soudainement possible. L’urgence, pour le patronat, mais aussi pour le gouvernement, était que le mouvement cesse. L’Humanité, journal du PCF, titrait ainsi « les radicaux ont raison », poussant à la reprise du travail et incitant les travailleurs à profiter tout de suite de leurs nouveaux congés…

Gérard Filoche a aussi évoqué Mai 68 qu’il a vécu intensément à Rouen. Il nous a expliqué que s’il militait encore aujourd’hui, c’était grâce à la force que lui a donné Mai 68, qui était avant tout un Mai 68 social, un mouvement de l’ensemble du salariat, pas le Mai 68 de Cohn-Bendit. En Allemagne, la jeunesse s’était soulevée au même moment, mais en l’absence de grève ouvrière, le mouvement n’a pas laissé la trace que Mai 68 a laissé en France.

Avant Mai 68, il y avait eu une montée des grèves, passée inaperçue auprès de bon nombre de journalistes, qui n’avait pas vu que la situation était en train de changer. En janvier 1968, des barricades ont été mises en place pendant une semaine par des jeunes ouvriers à Caen. En 1967, De Gaulle a eu d’extrême justesse la majorité aux élections législatives. Et puis Mai 68 a éclaté. Cela ne s’est pas fait sur la base d’une plateforme syndicale ou programmatique. Des salariés qui étaient en apparence totalement résignés et inactifs, se sont soudain mis en mouvement. Et comme en juin 1936, le patronat a concédé beaucoup (par exemple une hausse de 33 % du Smic) pour faire cesser le mouvement, bien aidé en cela par les appareils bureaucratiques qui n’ont pas voulu que le mouvement aille trop loin.

Gérard Filoche a écrit son histoire « Mai 1968. Une histoire sans fin ». La section Sud DG a acheté les deux tomes, n’hésitez pas à nous contacter pour les emprunter.

15/06/2022
Sud DG