Enquêtes ménages : Quel avenir pour nos missions, nos emplois et nos conditions de travail ?

Liminaire Sud Insee au CHSCT spécial enquêtrices et enquêteurs

Depuis de longs mois nos conditions de travail sont altérées par une longue crise sanitaire. Nous espérons toutes et tous que les difficultés sont davantage derrière nous que devant. Nous ne nous étendrons pas dans ce propos liminaire sur un énième bilan de cette crise. Nous avons suffisamment eu l’occasion d’échanger à ce sujet depuis mars 2020. Comme la plupart de nos collègues c’est vers l’avenir que nous nous projetons, comme la plupart de nos collègues nous espérons pouvoir rapidement tourner la page. Mais pour entamer quel chapitre ?

Récemment vous nous avez présenté vos projets en matière d’enquête ménage avec la généralisation du multimode. Ces projets et leurs conséquences nous questionnent et nous inquiètent à plusieurs titres.

Ils nous inquiètent pour nos missions. Quel est l’avenir des enquêtes ménages ? Quel sera l’impact du multimode généralisé sur la qualité de notre travail et en bout de course sur la qualité des enquêtes. Si nous ne refusons pas le changement et sommes conscient.e.s que les enquêtes ménages doivent s’adapter aux changements technologiques et sociétaux, nous pensons que l’Insee doit maintenir des interrogations face à face de première intention car le tout internet est une chimère. D’ailleurs la circulaire relative à notre cadre d’emploi précise bien que « malgré les difficultés croissantes, l’enquêtrice consacre beaucoup d’énergie à l’approche des enquêtée.e.s et doit s’adapter en permanence à cette population. L’importance de la qualité de la relation avec les enquêté.e.s et la volonté de transmettre une bonne image de l’Insee sont des éléments clés pour mener à bien les enquêtes. » Le tout multimode vers lequel vous nous dirigez est en contradiction complète avec ces principes.

Par ailleurs les récents propos d’un membre du gouvernement déclarant que les études tirées des enquêtes que nous réalisons conduisent à « nier le réel » ne sont pas de nature à nous rassurer sur l’avenir de nos missions. Sur ce point il serait de bon ton que le directeur de l’Insee, Président de cette instance, réaffirme publiquement l’utilité, la qualité et le rôle de nos missions que certains au gouvernement semblent avoir oublié : éclairer le débat public et aider à la décision politique et non servir des intérêts personnels.

Ils nous inquiètent aussi pour nos emplois. Nous constatons depuis quelques années que l’Insee perd certaines enquêtes au profit d’autres ministères qui le plus souvent les sous-traitent à des instituts privés. Nous dénonçons ces externalisations. Nous dénonçons la logique perverse de réduction du plafond d’emploi qui entraîne des abandons d’enquêtes lesquelles entraînent à leur tour des pertes d’effectifs. À tel point qu’on ne sait plus qui de la poule baisse des effectifs et de l’œuf perd des missions. L’Insee compte-t-il maintenir son réseau d’enquêteurs sur l’ensemble du territoire ? Pour nous un Insee indépendant doit rester maître de son programme d’enquête et maître des effectifs nécessaires à sa réalisation.

Enfin nous sommes inquiet.e.s pour nos conditions de travail et c’est avant tout ce qui nous occupe dans cette instance. Nous nous demandons, sans procès d’intention, dans quelle mesure les conditions de travail que nous avons vécues pendant cette crise sanitaire ne sont pas, de fait, un avant goût de ce qui nous attend pour les années à venir à l’ère du multimode. Travailleurs et travailleuses de terrain, nous craignons d’être transformé.e.s en opérateurs et opératrices de centre d’appel mais… sans le centre d’appel puisque nous sommes chez nous, et à notre charge. Nous refusons de nous transformer en télé-conseiller.e.s et de ne traiter que les enquêté.e.s mécontent.e.s et les non répondant.e.s.

Nous sommes également inquiets de la perte d’autonomie engendré par le multimode et la généralisation de contrôles au détriment du travail d’équipe.

Ce virage est déjà entamé, la charge d’enquête téléphonique augmente régulièrement. Nous vous demandons d’en tirer les conséquences en matière de conditions de travail.

Montrouge, le 20 mai 2021