Instauré en janvier 2012 sous la présidence Sarkozy, supprimé deux ans plus tard sous Hollande, le jour de carence en cas d’arrêt maladie a été rétabli en 2018 dans la foulée de l’élection d’Emmanuel Macron.
Durant la période dite de « l’état d’urgence sanitaire » lié à la pandémie de Covid-19 il a été suspendu de la mi-mars au 10 juillet 2020. Il a été rétabli avec la fin « officielle », donc politique et non sanitaire, de cet « état d’urgence », le 10 juillet 2020. Le jour de carence a été suspendu pendant l’état d’urgence afin d’éviter que les personnes soient vectrices de la pandémie en allant au travail et donc en se mettant au contact des autres. Cela prouve bien que les décideurs ont conscience que le maintien du jour de carence fait peser un risque supplémentaire sur la santé des personnels.
En effet il est patent que la sanction pécuniaire que représente, de fait, ces jours de carence incite des agent·e·s qui vont y être soumis à aller travailler, malgré leur état de santé altéré.
En ce sens, les conclusions de l’Insee Analyse n° 36 paru le 10 novembre 2017 « Le jour de carence dans la fonction publique de l’État : moins d’absences courtes, plus d’absences longues » sont sans appel. Cette étude montrait qu’entre son instauration au 1er janvier 2012 et sa suppression au 1er janvier 2014 cette mesure « n’a pas significativement modifié la proportion d’agents de la fonction publique de l’État absent pour raison de santé une semaine donnée. En revanche, la mesure a modifié la répartition des absences par durée. En particulier, les absences pour raison de santé de deux jours ont fortement diminué, tandis que celles d’une semaine à trois mois ont augmenté. ». La prévalence de ces absences de longue durée s’est accrue de près de 25 %. Et après la suppression du jour de carence, elle a diminué. L’Insee constatait également que « dans le privé, où 3 jours de carence sont imposés, l’employeur compense souvent la perte de rémunération. C’était le cas pour 2/3 des salariés du privé en 2009. Ce n’est pas le cas pour les fonctionnaires », tordant ainsi le cou à l’idée selon laquelle l’absence de jour de carence serait un privilège de fonctionnaire.
Malgré son inefficacité avérée, malgré un très probable surcoût pour le budget de l’État résultant de la hausse de la durée des arrêts dits de « longue durée », cette mesure totalement contre-productive a été réintroduite peu après la parution de cette enquête en 2018 (donc en toute connaissance de son inefficacité, voire de son côté dispendieux…), à l’initiative de la majorité présidentielle de Monsieur Emmanuel Macron.
En plus d’être dangereuse et inefficace cette mesure est profondément injuste puisqu’elle pénalise des personnes malades et frappe donc prioritairement les plus fragiles d’entre nous. Elle s’apparente à une double peine : en plus d’être malade, vous allez le payer ! Elle est par ailleurs inégalitaire puisqu’elle frappe les personnes malades à proportion de leur salaire et donc d’autant plus pénalisante que votre salaire est faible. Pour celles et ceux dont les rémunérations sont déjà insuffisantes, 1/30e du salaire en moins peut être lourd de conséquences.
Une mesure inefficace donc, injuste et inégalitaire d’évidence, ruineuse probablement et de surcroît aux conséquences néfastes pour la protection de la santé individuelle et de la santé publique.
La crise sanitaire le montre, la santé et la sécurité de toutes et tous passent par le strict respect des distanciations physiques et des mesures barrières. Le fait de ne pas exercer d’activités sociale (dont le travail) lorsque l’on est contagieux ou que l’on risque de l’être en l’absence de certitude médicale font partie de ces mesures.
Pour la justice sociale et pour la santé publique, nous revendiquons une nouvelle fois l’abrogation immédiate et inconditionnelle de toute mesure de type « Jours de carence », aussi bien à l’Insee et dans les ministères économiques et financiers que dans la Fonction Publique et dans l’ensemble des secteurs professionnels.
CGT, FO, Sud Insee
Montrouge, le 12 aout 2020